LE HORS-HUMAIN
Textes et poèmes
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Je suis né en bouche du dragon Céleste, sous des pluies de bombes incendiaires, le 13 janvier 1944, d'une mère Cheyenne bonapartiste et d'un père fantôme de son état, qui sommeille dans la quiétude des incartades.
Après des métamorphoses successives, je suis devenu Hors Humain par excellence. Comme l'on quitte un ami cher, une famille, j'ai quitté l'humanité si complaisante à ses douleurs, à son Histoire qui n'en finit pas d'accomplir ses révolutions. Les siècles se suivent et se ressemblent. Lassitude d'un temps qui ne passe pas.
Je tiens Adam et tous ses Saints pour responsables. Ne plus tomber dans la banalité meurtrière qui mutile l'âme, se libérer de toute croyance sur des espérances trompeuses, moisissure des vestiges du Livre, où l'intellect règne sur des déroutes d'avant-garde.
Inouï d'une inconcevable présence
Vague béante ensablée de noir
Clair de sabre
J'orchestre Paris d'un chant d'éclat
J'ai éteint les lumières de la ville, qui aveuglent mes rues, mes certitudes, mes largesses solitaires, mes légendes au long coeur bleuté de coquelicots qui courent sur la lagune empoisonnée des nostalgies. Depuis Anthinéa, je danse avec mes corbeaux et m'alchimise sur les ruines numériques d'un nouveau monde.
J'ouvre aux Monstres les portes de ma cité rebelle. Je me perds en leur présence au-dessus des arches de ponts pour jouer à saute-la-mort. Au bout de la flèche d'une grue, je leur fais la lecture d'un conte audacieux. Par le jeu des foudres qui maniment, je leur rends grâce et crie : «Liberté aux oubliés chassés par la miséricorde».
Mes événements fauchent l'ennui, subliment la démesure. Je suis le Maître de mes antres et je cours la nuit sur mes toits pour entendre leurs clameurs. Il faut vous dire que dans toutes ces formules percutives au verbe décréateur, ces escapades d'où l'on ne revient pas, j'ai pendu ma peau humaine au vestiaire des souvenirs et me suis tissé de matières pendulaires dans la froideur serpentine des labyrinthes.
Il y eut en quelques années ces faits déraisonnables qui me hissèrent au vertige de mon Art. J'égrène des dates en chapelet lavique sur des banquises incendiaires.
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