Croisiere.

Date de la contribution Sur fr.rec.arts.sf Subject: Re: Croisiere 03 From: pfitou Date: Fri, 21 Aug 1998 14:02:51 +0100 Date: Fri, 21 Aug 1998 14:02:51 +0100 Organization: Contact X-Newsreader: MacSOUP F2.2b3

Croisiere. 04 "Extraits du PersoPager de patF" *** Tout le monde connaît à présent l'histoire de Yann, patF et de leurs compagnons, comment ils ont sillonné l'espace pendant de longues années, et comment ils se sont enfin retrouvé, donnant naissance à l'Ordre des Maitres du Chaos. Il est aujourd'hui difficile de faire la part entre les légendes racontées dans tous les nuages gazeux, et ce qui s'est passé réellement. Ce PersoPager rudimentaire a été retrouvé en 2,0085 après l'Avènement, dans les ruines de ce qui semble être Shafer Xhati. Malgré le temps passé, ses antiques circuits imprimés ont pu conserver quelques bribes de texte, qui nous ont été précieuses pour reconstituer l'histoire vraie. L'Institut Historiographique de la Nouvelle ère, comme de coutume, conteste cette version. Nous y voyons, nous, une belle parabole de la construction de l'Histoire : des parcelles d'informations, reliées entre elles par un conte *** (Zwicky Coma - Les Amants du Naxos) Ce soir, l'ombre s'épaissit. Je me suis tenu pendant de longues heures au sommet des Roches primordiales, debout face au vent. Une Sterne Soliste chantait, incitant mon âme à se réjouir dans la douceur. Son chant était plus agréable et clair que de coutume, trouvant les sons appropriés à la simplicité du Naxos. Je lui ai répondu en retour, entonnant le cantus "Douce Mémoire", et nos voix se sont mêlées, trouvant l'harmonie un bref instant avant que la nuit ne soit complètement tombée. Je crois que le moment est venu de quitter le monastère. (...) Au moment où j'écris ces lignes, le jour va se lever. Dans quelques minutes, la lumière dorée caressera la pierre vétuste du temple et des habitations désertes, éveillant peut-être les échos d'une époque lointaine où moines, chanteurs, combattants, programmeurs et scribes s'éveillaient dans l'impatience, faisant claquer les portes, et résonner les sandales dans les couloirs à présent pavés de poussière. Je suis seul ici, depuis près de vingt ans. Vingt ans passés à me cacher de l'Usurpateur et de ses machines dévoyées, à tenter de finir ma tâche: graver sur l'argile les derniers chants, celer les lourds volumes de texte dans les galeries souterraines, entretenir... (*ici, un dizain de lignes trop abîmées pour être lisibles*) ... dans la galerie. Peut-être ne les reverrai-je jamais, ces amis de tous les jours. L'émotion m'emporte. Avant de refermer la lourde porte, j'ai caressé un instant le dos des volumes comme on fait ses adieux à la femme aimée. Les doigts, la peau, veulent aussi se souvenir. J'ai gardé avec moi "Utopie + Uchronie = transcendance" de Nathalie Labrousse, un obscur auteur du pré-Naxos dont la biographie indique qu'elle fut gazée pendant les guerres Jihadiques. Le petit hologramme sous la couverture montre une femme très belle; ses yeux sont des lacs purs et profonds dans lesquels j'aimais à me noyer lorsque j'étais adolescent. Il y a très longtemps de cela. Je laisserai ce Pager ici, ainsi que la plupart de mes effets. J'ai tenté il y a quelque temps de reprendre contact avec les disciples survivants, mais aucun n'a répondu. La tradition a vécu, puis comme tous les rêves de l'humanité, elle a cédé la place à un réveil brutal, sans illusions et sans beauté. Aussi, sans l'encensoir et sans l'épée, j'irai presque nu à la rencontre de mon destin : drapé dans ma robe de bure, un livre dans la poche, la paix du Naxos au bout du chemin. (...) Ce qui s'est passé est à peine croyable! Au moment même de partir, au moment de fermer les yeux et de me laisser envahir par le Fluide, une idée m'a frappé: j'allais partir sans faire mes adieux au mémorial de notre Maître. Lisst Vor Bazass gisait, abandonné de tous, dans une crypte du temple. Mes visites quotidiennes m'emplissaient le coeur de chagrin, et pourtant, me donnaient aussi la Force Intérieure, nécessaire pour continuer ma tâche. Comment avais-je pu oublier? Je me dirigeai prestement vers le temple, traçant dans le sable de la cour le dessin de ma dernière journée sur Shafer Xhati, et poussai grilles et portes jusqu'à la ... (*ici encore, manquent plusieurs lignes*) ...Lisst était là, sa dépouille mortelle allongée sur le granit, protégée par un dôme de verre Isskit translucide. Les cristaux liquides, témoins de la bonne conservation du corps, luisaient faiblement dans la pénombre. Je restai agenouillé, adressant un hommage mental à ce qui n'était plus qu'une trace du Maître aimé, une métaphore concrète de son passage dans l'existence : son cadavre. Puis, alors que je me relevais,une chose extraordinaire se produisit. Éberlué, je vis le cercueil se mettre à briller d'un éclat insoutenable. Relevant le dôme Isskit, le cadavre se mit à bouger et s'assit sur la plaque de granit. Terrifié devant ce cauchemar, cette hallucination sans doute envoyée par le Morgos, je m'apprêtais à m'enfuir, et déjà j'avais parcouru à reculons la moitié de la crypte lorsque le corps de Lisst Vor Bazass se mit à parler. -"N'imagine surtout pas, dit-il, que cette forme soit celle d'un être vivant comme on l'entend habituellement (il se pencha en avant, comme s'il s'adressait à un interlocuteur, mais comme je me trouvais à l'autre bout de la pièce, je compris rapidement de quoi il s'agissait). C'est un enregistrement très ancien, et programmé pour se déclencher devant une certaine configuration de ton Fluide Mental: Angoisse, sentiment d'abandon, volonté de départ. Mon bon patF... il n'y avait vraiment que toi pour accepter ce fardeau : rester ici, renoncer à toute existence sociale pour entretenir la mémoire de notre Ordre. Tes camarades t'avaient surnommé le Romantique Emphatique, et même si cette expression t'emplissait de colère, je dois reconnaître qu'elle t'allait plutôt bien". Il sourit avec douceur, devançant mes protestations -"Avant que tu t'en ailles -car je sais que tu vas t'en aller- je voudrais te dire de nombreuses choses, et je vais tâcher pourtant d'être bref. L'ordre est mort, cela il faut bien le reconnaître, balayé d'un geste par les troupes de l'usurpateur. Pourtant, son cadavre est encore agité de soubresauts. Quelques molécules sont disséminées à travers la Technocratie. Ce sont d'anciens disciples, et même si leur formation est incomplète, même si leur initiation n'a pas été menée jusqu'à son terme, ceux-là sont mon seul espoir de voir un jour renaître les amants du Naxos. Je dois te dire aussi qu'il ne reste plus un seul Transmigré authentique. Lichi les a éliminés impitoyablement. Aussi, fais bien attention à ce qui va suivre. je te donne dès à présent le titre de 33ème Farao Nero, Continuateur et Fils Très Spirituel du Naxos, Restaurateur de l'Ordre. Tu prendras le nom de Shafer Xhati, en mémoire du berceau de notre tradition. Avant toute chose, tu vas effectuer ta Transmigration. Tu ne l'as déjà que trop retardée, et à présent, il est temps qu'un véritable Initié se lève et parte répandre le Fluide dans les galaxies habitées". L'image de Lisst fut soudain agitée de soubresauts intermittents, comme parasitée par le passage d'un vent d'ondes magnétiques. Puis, elle se rétablit, et continua -"Une fois ta Transmigration effectuée, prends le temps de t'habituer à tes nouveaux pouvoirs. Ils sont nombreux, comme tu le constateras. Ensuite, retrouve les disciples. ils sont au nombre de sept. A chacun d'entre eux, j'ai fait le don d'un Androne à mon image, qui les accompagne et les conseille, et entretient leur foi dans une mesure plus ou moins grande. Celui que tu retrouveras en premier, c'est Yann Minh, ton ancien camarade de jeu. Oui, c'est un dévoyé, aveuglé par des pulsions primaires et dangereuses. Mais c'est un être profondément bon, et courageux, il te sera utile pour retrouver la trace de mon épouse, Péa Vara bazass. Elle seule connaît le nom des autres disciples, et pourra vous aider à reconstituer le Noyau Nécessaire. Yann Minh possède quelques menus pouvoirs que je lui ai transmis, et il croit être au centre d'un mouvement de rébellion. Cette illusion est utile en ceci que lorsque tu arriveras jusqu'à lui, tu pourras transformer l'illusion en réalité. Fasse le Naxos que cette rébellion prenne corps, et renverse l'usurpateur". Les parasites revinrent à l'assaut, noyant l'image dans une cascade de lignes et de points lumineux. Lisst disparut soudain, et je crus, abasourdi, que tout était fini. Puis il revint une dernière fois. -"Et maintenant, Shafer Xhati, 33ème Farao Nero, au travail". J'ai la tête qui tourne. Je ne sais pas pourquoi j'ai retranscrit tout ceci sur mon PersoPager, car il va rester ici, perdu dans les ruines du monastère. Mais peu importe. À présent je dois partir