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LES LÉGENDES INFORMATIQUES

Date de la contribution Sur fr.rec.arts.sf

Subject: Re: (Long) Les legendes informatiques.Robots. Le bug de L'hexapode.
From: Yann Minh yminh@yannminh.com
Date: Fri, 9 Apr 1999 11:52:19 +0200
Date: Fri, 9 Apr 1999 11:52:19 +0200
Organization: http://www.yannminh.com
User-Agent: MacSOUP/2.4

Références

Titre : Le Bug de L'hexapode.
Genre : Metaphysique robotique.
Histoire proposée par : Yann Minh.
E-mail :yminh@yannminh.com.
Site Web : http://www.yannminh.com/
Source : Moi-même.
Date: 30 Novembre 1995
Technologie : Robot hexapode développé par IS Robotics pour la recherche scientifique.
Lieu : Le LRP, Laboratoire de Robotique de Paris.

Haut de page Le Bug de L'hexapode

Les robots sont déjà vivants...j'en suis sur, j'en ai vu un qui a fondu les plombs d'une façon trop humaine pour être honnête.


C'était le 30 novembre 1995, je réalisais un documentaire sur l'histoire des Robots pour la Cinquième : "Sous le règne d'Héphaïstos". Nos pérégrinations à travers le territoire, en quête de créatures artificielles, nous avaient menées au Laboratoire de Robotique de Paris.

L'accueil de notre équipe de tournage fut chaleureux, et les chercheurs avaient fait un énorme effort pour rendre opérationnels leurs prototypes. Il faut savoir qu'en général, dans les laboratoires de recherche, les robots sont rarement en activité. Ils ne fonctionnent que très épisodiquement à des dates indéterminées. La plupart du temps ils sont démontés ou en cours d'élaboration. Mais exceptionnellement, et afin de satisfaire ma frénésie iconophage, l'ensemble des scientifiques avaient rendu leurs assemblages siliconés provisoirement opérationnels.

Je n'avais qu'une journée de tournage, et devant l'incroyable profusion du bestiaire Asimovien qu'ils me proposaient, j'angoissais de n'avoir pas le temps de filmer tous ces futurs ancêtres de R.Daneel.

La plupart des recherches sont souvent trop arides pour les néophytes avides de spectaculaire, et, ne dérogeant pas à la règle, je me limitai à ce que les chercheurs appelaient, par dérision un peu jalouse, des robots "Sexys". Ce terme désigne cette catégorie de robots, dont les formes ou les fonctionnalités séduisent plus particulièrement les amateurs ou les média, et, en matière de "robots sexy" j'étais comblé. Je n'avais que l'embarras du choix.

Après avoir filmé les stars du laboratoire, comme le monopode sauteur, les assemblages de Legos organisés en intelligence collective, la roue à patte, les nanochenilles virtuelles, et les transdockers à réseaux neuromimétiques, je m'étais réservé pour la fin, un petit robot hexapode développé par IS Robotics, une société américaine indirectement liée au MIT, et dont le nom fait évidemment référence à l'US Robotics d'Isaac Asimov. C'était d'ailleurs un des premiers robots marcheurs fabriqués industriellement et commercialisés dans le monde pour la somme non négligeable de 30 000Frs.

Long d'à peu près cinquante centimètres, ce robot à six pattes était équipé de capteurs de proximité lui permettant d'appréhender son environnement et de contourner les obstacles. Programmable, il servait de base de travail pour les recherches en intelligence collective.

Un jeune doctorant, avait préparé l'engin, et, une fois nos caméras et nos lumières réglées, il alluma le petit monstre.

Pattes écartées, le gros insecte mécanique reposait immobile sur le ventre au centre de l'arène lumineuse. Déjà je fus surpris par la façon presque organique, dont il "prit conscience". Après un instant de latence qui nous parut interminable, les mécanismes de locomotion eurent un petit frémissement annonciateur. Les pattes furent agitées d'infimes soubresauts spasmodiques. Des diodes alignées sur les cotés clignotèrent en rythme quelques fractions de seconde puis s'éteignirent. Comme un dormeur alerté sortant brutalement du sommeil, le robot se dressa sur ses six pattes avec un claquement sec. Pendant quelques secondes, l'espèce de langouste mécanique aux antennes frémissantes, sembla nous observer de son oculaire cyclopéen . Enfin, avec une apparente prudence, il avança une première patte, presque hésitante, et, dans un bourdonnement frénétique de moteurs électriques, les autres membres entamèrent une étrange reptation, qui tenait à la fois du lézard et de l'araignée. L'impression de vie était telle que toute l'équipe ne quittait plus des yeux cette étrange bestiole s'avançant lourdement devant la caméra.

Avant de l'activer, le doctorant avait posé un cube de bois sur son parcours. Témoins lumineux du bon fonctionnement des capteurs, les diodes alignées le long du corps, s'allumaient les unes après les autres, au fur et à mesure que l'hexapode approchait de l'obstacle . Lorsque sa première antenne effleura le cube, le robot s'arrêta, et, dans un mouvement d'articulation complexe, entama le contournement du bloc.

Je donnai l'ordre au cadreur de suivre la progression du robot vers le fond du laboratoire, et je demandai au doctorant de remettre un obstacle sur son parcours pour répéter l'opération.

C'est à ce moment que la chose étonnante arriva. Le doctorant posa le cube juste devant l'hexapode. À une distance trop courte pour que les capteurs aient pu anticiper la présence d'un obstacle. L'objet à peine posé dans son champ de perception, les rangées de diodes se mirent soudainement à clignoter de façon anarchique. L'hexapode interrompit sa marche. Après un instant de ce qui ressemblait à de la perplexité et comme pris d'une subite crise de tétanie, Le robot écarta simultanément ses six pattes pour s'effondrer paralysé, les membres tremblotants.

Sa réaction avait une telle apparence de vie, que stupéfaits, nous sommes tous, doctorant y compris, parti d'un éclat de rire général.

Mettez vous à la place du pauvre hexapode... à peine réveillé, vous marchez tranquillement sur une place dégagée jusqu'à l'horizon, et soudain un énorme cube, surgi de nulle part, apparaît juste devant vous... il y a de quoi perdre pied, non ? Même quand on en a six.

Remarque

Drôle de bug tout de même. D'habitude les ordinateurs se contentent de s'arrêter, c'est plutôt rare qu'ils fassent des démonstrations aussi spectaculaires de leurs désordres numériques. Un des chercheurs m'avait expliqué la définition de l'intelligence par le directeur du MIT, Rodney Brooks...." Est intelligent ce qui paraît intelligent à l'observateur".... Et bien ça y'est... je peux vous le dire... "Ils sont intelligents".... ;-)

Et vous pouvez vérifier. La scène était tellement drôle que je l'ai mise dans le documentaire qui repasse de temps en temps sur la Cinquième.:-)


Quelques liens :
IS Robotics: ( http://www.isr.com/)
Le Leglab du MIT
(http://www.ai.mit.edu/projects/leglab/robots/robots.html)

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