DYL
Les pitons basaltiques dérivent dans un ciel brumeux, troué par la face blafarde dune lune démesurée. Une faible clarté orange scintille aux fenêtres des palais donyx surplombant labîme. Ailes déployées, les dragons démeraudes, dérivent au gré des alizés, sous les ponts suspendus tendus entre les parois de basalte noir.
Emportées par les volutes de brise tiède, de longues spirales étoilées de lucioles seffilochent entre les défilés rocailleux.
Une force maléfique, implacable surgit des profondeurs.
Le paysage de légende explose en débris acérés tournoyant lentement dans une orbite centrifuge. Lexplosion ralentie dévoile le tueur en marche. Le canon court et épais crache des flammes brutales.
Des corps nus, déchirés par les balles, virevoltent dans une danse désarticulée, avant de seffondrer sur les grilles métalliques des passerelles. Il pleut du sang entre les étages. Les corps se fanent, les os trouent la peau, les vers rampent dans le parchemin des seins et des cuisses.
Le sourire squelettique de la mort crève les visages identiques, la même jeune femme assassinée, les mêmes immenses pupilles gris bleu figées sur léternité, les mêmes lèvres qui sentrouvrent dans un sourire extatique, le même sourire, le même regard que celui du tueur, victime et bourreau
...Dyl se réveilla en sueur, c'était un cauchemar... encore un cauchemar qui vient détruire le rêve.
Les yeux encore fermés, dune main fébrile elle chercha la tablette numérique à la tête du lit, renversant dans sa précipitation le cendrier et la pile de CDV.
Assise en tailleur, maniant le crayon optique dun geste habile, elle esquissa sur la plaque lumineuse, lentraperçu fugitif. Un nouveau paysage vint sajouter aux centaines de croquis quelle archivait, depuis que les rêves étaient apparus. Cela ressemblait au carnet de voyage dun explorateur perdu dans un monde fantastique. Un bestiaire démoniaque issu de rêves surréalistes.
Lhabitude de retranscrire ces bribes de songes qui perduraient un instant lors de léveil, lui avait donné une maîtrise certaine de lexploration des rêves. Au réveil ne subsistait plus que quelques réminiscence fugaces, dimages et démotions étranges, incohérentes. Une myriade dimages mentales ésotériques, qui se dissolvaient imperceptiblement, lorsque sécoulaient de nouveau les flux ordonnés de sa conscience.
Pour Dyl, ces rêves de mondes étranges nétaient pas des rêves normaux. Ils avaient cette précision particulière aux souvenirs. Et ces souvenirs pourraient peut-être lui apprendre enfin qui elle était. Dyl navait aucun souvenir de son enfance. Sa mémoire ne commençait que six ans plus tôt, lorsquà treize ans, elle sétait réveillée dans un hôpital de la capitale.
Délaissant la tablette numérique, Dyl roula hors du lit et se releva dun bond face aux grandes baies vitrées de son appartement, détaillant rapidement sa silhouette féline à la musculature discrète, en surimpression sur le scintillement de la ville. Malgré ses dix-neuf ans, elle avait encore un corps dadolescente batailleuse. Elle était mince, avec un port droit de danseuse et des petits seins hauts perchés.
Elle se trouva belle, elle aima ce reflet que lui renvoyait la cité, et immédiatement une bouffée érotique lentraîna dans les souterrains de sa conscience. Elle se sentait désincarnée et aurait voulu voir ce corps qui était le sien dans les bras dhommes et de femmes.
Rapidement, elle enfila un slip, un body ajouré et son jean noir moulant. Le glissement des étoffes sur sa peau accentua son désir de sensualité. Elle avait envie de chair et de violence. Elle enfourcha son miniscoot, et le débrancha du chargeur, pendant que Ninja, le portique robotisé, longeait la façade de la tour de sa reptation arachnoïde, et extirpait lappartement de son alvéole pour le déposer au niveau de la rue...
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