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..et dans une compagnie d'assurances française, les Mutuelles du Mans.

La popularisation de nos expériences et de ces analyses que nous avons faite dans les années 80 a eu une retombée intéressante dans une des plus grandes compagnies d'assurances françaises.

Elle a mis en évidence le type de problèmes qu'il faut résoudre, les difficultés à surmonter, la stratégie à mettre en oeuvre pour réaliser une modernisation dans une grande entreprise privée.

D'abord prévoir la légitime méfiance des syndicats qui craignent toujours qu'une réorganisation, surtout de cette importance, ne dissimule des calculs contre les personnels. Il faut dire que depuis quelques années les syndicats ont compris l'importance d'acquérir de hautes compétences dans les techniques modernes afin d'intervenir avec pertinence dans les projets des directions, de mettre les progrès techniques au service des travailleurs et de déceler et combattre des mystifications. Évidemment ils savent exiger une politique de formation permettant l'emploi du savoir ouvrier et les promotions et améliorations permises par la modernisation.

Par ailleurs, les conséquences organisationnelles de la révolution informatique conduisent à l'hostilité de toute une couche d'agents de maîtrise qui voit son pouvoir disparaître.

Les directions générales ont souvent des << principes >> qui datent d'une autre époque, bien sûr mais de plus craignent que l'accès de la masse des personnels à des tâches responsables ne conduise à des mises en cause plus fondamentales.

Enfin les responsables informatiques croient souvent défendre des privilèges fondés sur la rétention du savoir.

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Ces remarques nous permettent de comprendre les forces en jeu. Le succès d'une modernisation radicale est fondé en fin de compte :

- sur la capacité des initiateurs à convaincre les directions au plus haut niveau car leur appui est nécessaire pour vaincre les résistances de la bureaucratie et des chefs intermédiaires, Ce travail est souvent difficile car les cadres de notre société ont été formés selon les modèles organisationnels et les principes économiques (la << pensée unique >>) de l'industrie capitaliste élaborés au XIXème siècle.

- sur la collaboration loyale avec les syndicats qui maintenant se sont donnés les moyens d'analyse des solutions proposées et d'intervention technique au service des travailleurs,

- sur la capacité à mobiliser les services informatiques en créant les conditions qui conduisent à une valorisation de leurs compétences.

Les opérations d'informatisation imposées d'en haut à partir de modèles formels idéaux des processus de travail conduisent en général à des échecs parfois grandioses. Le succès d'une informatisation impose la mise en oeuvre du savoir ouvrier et de la culture d'entreprise. La démocratie là n'est pas un simple voeu moral mais une condition nécessaire au succés d'une informatisation. On peut mesurer là aussi au passage les pertes humaines irremplaçables qui peuvent être causées par des restructurations industrielles décidées par des financiers ou des politiciens.

Ces éléments essentiels mis en évidence ont permis le succès de la célèbre modernisation des Mutuelles du Mans, une des premières compagnies d'assurances françaises. Celle-ci a certes immédiatement gagné en compétitivité face à ses concurrentes qui, elles aussi, ont dû faire de même mais en contribuant à créer par ailleurs une situation radicalement nouvelle dont nous vivons les effets aujourd'hui..

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©Gérard Verroust. Université Paris VIII.

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