Portrait en forme dinterview, de Yann Nguyen Minh, artiste multimédia, réalisateur vidéo, cyberpunk dans lâme, co-auteur - avec jean Annestay et Raymond Audemard - et, réalisateur de la soirée science-fiction sur Arte, et auteur de programmes court sur Canal +.
Comment as-tu été amené à travailler sur la vidéo ?
Jai fait deux écoles dart (lEcole Nationale Supérieur des Arts Appliqué, et lEcole Nationale Supérieur des Arts Décoratifs). Lorsque je suis arrivé, le directeur des Arts Déco de lépoque a décidé dinvestir 1 MF pour un studio vidéo. Ce fut la première école en Europe à avoir un tel matériel. De plus, cétait un atelier à orientaton art et non pas communication, un point qui allait faire de latelier un événement tout a fait exceptionnel dans lhistoire de lart vidéo français. Quand ces profs mont expliqué que ce matériel était pour moi pendant deux ans et que je pouvais faire de limage animée électronique, ça a fait tilt dans ma tête, le grand flash cyberpunk .
Ensuite ?
Grâce à une exposition de Don Foresta au Centre américain en 1979, jai rencontré Nam June Paik. Il a aimé ce que je faisais et je me suis retrouvé dans le milieu de lart vidéo du jour au lendemain. Mais ce que je voyais, à lépoque, était trop long. Jai donc fait un petit film de trois minutes - qui sappelle 3 12 " avant la fin - très speed et complètement barré dans mon imaginaire cyberpunk avant lheure. Jai ensuite réalisé une installation multimédia. Le concept de départ était une simulation dun laboratoire scientifique de recherches sur le cerveau : Media 000 .
Visionnaire ?
Sur le moment, non. Après coup, oui. Mais, totalement inconsciemment. Jai présenté Media 000 à Christine Van Assche, conservatrice à Beaubourg, et jai exposé pendant trois semaines au Musée dArt Moderne. Il y avait Dali à gauche, Picasso à droite et moi au milieu. Pour un étudiant, cest fabuleux ! Cétait une sculpture grandeur nature dune fille allongée reliée par des câbles au magnétoscope : il y avait deux écrans vidéo en train de jouer, des projections de diapositives qui tournaient en synchro et un son stéréophonique. Jai vraiment du être parmi les premiers à présenter à Beaubourg une installation multimédia.
Media 000 est interactif puisque tu invites le spectateur à rêver...
Lidée que je voulais évoquer était celle dun laboratoire scientifique. Pour moi, quand tu es dans une cabine de pilotage davion, le lieu dans lequel tu te trouves est générateur dimaginaire. Media 000 , cest le but final. Cest réussir à refabriquer des environnements.
Ton rapport avec loutil informatique ?
Dans Media 000 , cest la poésie de la technologie qui était prépondérante. Une régie vidéo, cest magique, et ce que tu es en train de faire, à la limite, importe peu sinon le plaisir de voyager et de toucher la technologie. Il y a, au départ, un vrai plaisir à jouer avec ces outils là. On insiste malheureusement assez peu là-dessus parce que lon ne voit que le but à atteindre. Cest aussi un outil qui est plaisant à utiliser en tant que tel. Chaque fois que je sortais la caméra, je savais que cétait quelque chose dexceptionnel.
Lenseignement sur les nouvelles technologies ?
Il y a un vrai problème. Les écoles sont, au départ, censées aider les étudiants à faire aboutir leur démarche de créateur, les faire mûrir. Ces écoles actuellement sont bouffées par la technologie, cest à dire que la technologie coûte de largent et inévitablement les gens qui gèrent les investissements et lorientation pédagogique des écoles sont des gens qui sont plus des technocrates, des gestionnaires, que des artistes. Du coup, les choix déterminants qui sont fait actuellement en France sont des choix qui sont plus orientés pour assouvir des besoins de pouvoir et darrivisme personnel des directeurs détudes que de réels besoins pédagogiques. Ils finissent par oublier que, dans leurs écoles, il y a des étudiants qui sont tous des artistes avec un besoin dexpression. Jai une vision assez radicale mais je crois que cest grave. Pour que lart évolue, il doit être dérangeant à un moment ou à un autre, sinon, ce nest plus de lart.
La réalité virtuelle ?
On vit effectivement une grande révolution. Grâce à lordinateur, on peut se rapprocher des processus de perception du monde naturel. Mais il y a surtout la notion dimmersion qui est liée à la science-fiction. Les premiers moment importants dans lhistoire du virtuel, cest lapparition de la science-fiction en tant que littérature. Forcément, il y a une frustration. On a envie de voir exister ce monde là. Plus lhomme avance dans ces technologies, plus il arrive à fabriquer des systèmes qui vont faire exister cette réalité, de plus en plus réaliste, doù les casques virtuels. Le vrai moteur nest pas la virtualité, cest la notion dimmersion, lenvie de réinventer une réalité imaginaire dans laquelle on va pouvoir se déplacer physiquement.
Entretiens Pascal Joseph