SLEEPWAY
Panorama Quicktime VR. QTVR.
Les mosaïques de photos
La cale de halage du port de Keroman à Lorient
Quelques images dun astroport imaginaire, base spatiale dun comptoir oublié dans les lointains de la galaxie.
Cest le slipway du port de Lorient, ou «Cale de halage».
Je titre Sleepway volontairement, pour accentuer la dimension onirique de ce lieu magique qui ma inspiré la scène «Eros dock» dans ma saga des Récifs.
Depuis mon enfance, jaime me promener la nuit dans ce chantier déserté les dimanches, imaginant que ce sont des vaisseaux spatiaux en partance qui mentourent.
Ces grandes architectures dacier, une fois sorties de leau pour être carénées, évoquent, sans grand effort dimagination, les futurs vaisseaux qui croiseront non plus sous, mais entre les étoiles.
En fait quelque part la réalité nest pas loin de la fiction. La conquête des océans est similaire aux rêves de conquête de lespace. Traverser locéan atlantique pour rejoindre le nouveau monde était une aventure aussi périlleuse que de franchir les espaces interstellaires des romans de space-opéra.
Fondée par Colbert en 1664, la puissante Compagnie des Indes installa à Lorient en 1719 sa principale base daffrètement et de construction navale.
Cest ici quétaient construites et armées les flottes de bâtiments, qui traversaient locéan, pour le commerce des épices, de la soie, du riz, du coton, du thé, de la porcelaine, du salpêtre, du café mais aussi, ce quon évite de dire, des esclaves.
Pendant la seconde guerre mondiale, l'armée allemande y installa une puissante base sous-marine aujourdhui désaffectée, qui valut à la ville dêtre rasée par les bombardements alliés.
Les immenses bunkers au profil gothique, destinés à protéger des attaques aériennes les navires de guerre en cale sèche, furent préservés du déluge de feu qui anéantit la ville.
Toujours en activité, le slipway du type « en long », est un lieu magique générateur de chimères.
Abîmée ou rendue rugueuse par locéan, ce qui réduit son hydrodynamisme, la coque doit être nettoyée et repeinte au moins tous les deux ans. Pour cette opération, on « hale » le bateau hors de leau.
Le navire est sorti perpendiculairement au rivage. Afin déviter qu'il ne se brise, lorsque la proue émerge alors que la poupe flotte encore, il est tracté sur des chariots munis de tins en bois qui soutiennent la coque.
Les chariots, roulant sur une voie ferrée, sont ensuite aiguillés vers les différentes zones de carénage par un énorme ponton mobile encastré dans une vaste arène de béton sale.
Les essais de peinture, sur les murs des blockhaus, dessinent des fresques abstraites en camaïeux d'ocre, de Sienne et d'outremer.
Métaphore des futures armadas stellaires,ou amphithéâtre post-apocalyptique dune Rome décadente ressuscitée, la cale de halage est un lieu qui se métamorphose spontanément dans lesprit du rêveur.
Comme Tristan, le héros adolescent de mon roman, jallais souvent me réfugier la nuit au bout dun ponton effondré à lentrée du port. Jécoutais le rire étrange des mouettes, qui accompagnaient, de leurs nuées hystériques, le retour des chalutiers.
Dominant la criée de sa sinistre façade aveugle,la masse menaçante de la glacière confère à cette partie du port une atmosphère doutre monde.
Mélangées aux remugles de saumure et de graisse de machines, des forces anciennes subtiles, et pourtant presque palpables, imprègnent le labyrinthe de béton et dacier rouillé.
Cest un endroit hors du temps, figé dans un passé daprès guerre, hanté par les fantômes de générations de soldats et de marins défunts, dont lerrance désespérée, portée par lécume des tempêtes, effleure le voyageur attardé, de sa solitude glacée et mélancolique.
Vers minuit, certains soirs dété, lorsque les lumières orangées des réverbères se mélangent à loutremer du crépuscule, jai parfois vu sengager entres les môles, la masse silencieuse et lente dun antique voilier venu savitailler aux moissons des trépassés.
Silhouette squelettique, immobile et droite, lAnkou tenait la barre, son long manteau flottant au gré des risées venues du large.
Panorama Quicktime VR. QTVR.
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