RB: Tu utilises beaucoup plus la photo que dhabitude. Elles effleurent les images publicitaires, elles effleurent lérotique tout en laffirmant. Signalons la série de photos des ELUQBRATIONS, où le visage absent nous renvoie à notre propre image. Toutefois il en va autrement quand tu les confrontes à la tv que le modèle soutient acrobatiquement, sur les parties de son corps les plus sensuellement appropriées...(Dailleurs tv égale dieu, dieu égal god, god niché entre les cuisses... Le titre... Beaucoup dépelés pour un élu...) On se retrouve dans une sorte de passivité active.
FL: Voilà une image qui prend des poses et le travelling sur le mot ELUQBRATIONS ne fait quinsister sur une sorte de catalogue dobjets et de gestes disproportionnés. On est spectateur dune chose qui se fait sans se faire, se touche sans toucher, se dit sans dire. Cette problématique est liée au vecteur de la communication, de parler sans se voir, le raccourci prophéré des distances par phonie fausse lidée de la proximité. Il y a une conscience du corps qui est évacuée, un corps qui nest plus là, et cest bien le propre du langage de dire sans faire, de situer laction dans la réaction, cette communication qui fait de nous des intouchables parfait notre rôle donaniste en puissance. Les photos qui encadrent les tv sont des choses très familières tant du coté de lart que du quotidien, il sagit dune mise en page de lespace photographique qui naturellement soppose à la mobilité de limage vidéo. Limage devient la matrice dun jeu combinatoire dont le principe est linversion, la substitution, la permutation.
RB: De ce corps photographique on sortirait des promesses enfouies et, de cette manière, tu évacues ce qui pourrait nous faire croire à de lobscène, voir au delà du voir une scène qui va au-delà de la scène. Il y a de la fragmentation, de la parole décalée.
FL: Cette distance vient du fait que ces images amorcent un mouvement, où le modèle jongle avec une tv. Limage-effet vissée sur ses fesses est une volonté de mettre le spectateur à sa place.
RB: Le fait dexposer pour la première fois dans une galerie, alors que tes autres expositions étaient accueillies dans dautres circuits, noblige-t-il pas à une obligation de résultat ?
FL: Je montre mon travail sans faire de compromis, hormis à lespace, par conséquent lobligation de résultat ne tient quau visiteur et ce trop de respect que je lui concède.
RB: Je ne ferai pas de commentaire et je crois que ça en passe toujours par là. Ce qui mintéresse cest vraiment le don que tes pièces ont de convoquer un espace utopique inaliénable. Cest-à-dire quil est difficile den séparer un élément. Ce faisant, nous naurions quun fragment commémoratif de lexposition.
FL: Cette conversation est déjà elle-même un fragment commémoratif. Ceci dit la sculpture du XIXe se définissait comme la somme de ces différentes vues.
RB: Mais en disant cela, je condamne le fait quune pièce ne pourrait être autonome. Il y a sans doute quelque chose comme ça parcequelles sont très autonomes entre elles, même par rapport à nous en tant que spectateurs, et si on ne se saisit que dun fragment, cette autonomie risque de sécher par isolement.
FL: Jai limpression quand tu dis cela que tu parles dun organisme vivant auquel on aurait prélevé un membre. Lors de la formulation dun ensemble, il y a une adaptation libre des pièces par rapport à lespace et leur recyclage. Ce recyclage interne des choses dans leur sens est autant économique que politique. Jai pris avec ce travail une grande liberté dinterprétation des pièces lors de chaque représentation. Et cest bien dans ce recyclage que lexposition reste le dernier objet. Que ce soit au niveau du langage que des citations réécrites, cela confère au travail sa part dautonomie.
RB: Ce que tu nas jamais fait cest de la figure humaine une image du corps comme les autres.
FL: Cest sûrement la publicité ou lart actuel qui me rattrape, il faut men méfier...
RB: Je ne crois pas, car cest plutôt une parole du corps et quand tu fais parler les différents protagonistes dans la vidéo EPHEMERIDE, les portraits que tu en fais et les mots que tu leur mets en bouche ne sont pas joués. Jai le sentiment, (certainement en relation avec les textes hardérotiques quelles disent) dune nature très fragile chez ces femmes que tu as filmées. Tu occultes vraiment le jeu dacteur. Le texte disparaît au profit dune sensation, elles sont là. Et ça me fait penser curieusement que si lon mettait un cd rom sous les fesses des baigneuses académiques pour leur faire dire nimporte quoi, cela ferait partie des grands écarts possibles de la technologie et des approches que nous en avons en ce moment. Elles sont complètement sarcastiques et irrespectueuses, et quand tu dis que tu joues avec, tu te places là dans une sorte de mouvance libertaire que tu insuffles par rapport à lart, même le plus récent et dans ce quil a de plus conformiste. Même conceptuel, il demeure dans leuphémisme et la litote, cest-à-dire dans le petit rien entre soi.
FL: Cest vrai que se ne sont pas des actrices, et je les préfère dans cet entre-deux de la parole, qui saccompagne de doute, de fragilité et permet quand même une variation infinie de ton. On est hors de tout statut dexception dont les images se nourrissent car les mots ne sont ni vrais ni faux, puisquils nont pas le pouvoir de se trouver eux-mêmes.
RB: Je crois que tu les filmes de la même manière que lorsque cest toi qui te mets en scène. Il y a cette tension du corps vers loeuvre à faire qui existe. Il y a parfois une telle urgence que tu nas pas le temps de trouver dautres personnes que toi. Cest la vitesse du croquis transférée à la note vidéo.
FL: Tu es le premier à me dire quon nest jamais mieux servi que par soi-même.
RB: Original...
FL: Cette vitesse dailleurs est spécifique à la vidéo.
RB: Je ne sais pas comment dire mais ces images sont pour moi des véhicules poétiques qui sont en migration perpétuelle; cest cela qui importe, tu es dans un critère de vitesse et le besoin de le dire vite nécessite une grande disponibilité de moyens et desprit.
FL: Il y a forcément un lien inconscient qui doit dépendre des nouvelles technologies et qui nous ferait croire à une simultanéité des informations et à une transparence des corps. Mais on est loin den être là.
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