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LE SON EST LE PREMIER MOUVEMENT DE L’IMMOBILE(suite)

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RB: Je crois que c’est un dénominateur commun. Tu disais faire des métaphores avec du bricolage infecte pour dire des choses les plus à la mode actuellement. La solitude, l’isolement, les intouchables. Tes machines communiquent. La circulation entre les intouchables, tu en parles très bien en évoquant, de façon libre et avec une douce ironie, de la nécessité de prendre conscience de la gratuité et de l’emphase de notre époque et de ses moyens. Dans ce futur proche et l’âge formidable qui en découlera, je pense que nous sommes encore au néolithique de l’âge électronique et il faut, au moment où nous parlons, avoir l’esprit extrêmement en alerte face aux exigences de la liberté humaine fondamentale. Tu fais partie de ces champions. C’est-à-dire quand tu montres TAGS, ce mur d’images animées que je n’ai vu que par écran interposé, j’ai cru par inadvertance qu’il s’agissait d’une pub, car les effets produits par des logiciels sophistiqués peuvent être reproduits par des techniques évocatrices simples, de projections et de miroirs mobiles. C’est une leçon donnée au manque d’imagination de ceux qui les fabriquent.

FL: Ces images existent depuis l’ancêtre du cinéma et c’est un clin d’oeil à Averty qui fit du cadre de la tv un espace qui échappe encore aujourd’hui à tout critère, où l’on plongeait volontiers dans le prosaïque...
Nous avons à faire au “singement” de la communication, à des effets de surface plus ou moins singuliers. Il n’est pas question ici de faire l’apologie de quoi que ce soi et ce n’est certainement pas en terme de progrès que je peux penser le monde, mais en terme de dépendance des besoins produits par la mode, le consommable de première nécessité et de ce petit nombre d’ingénieurs qui produisent et pensent tout le substrat de notre confort intérieur. J’ai le sentiment d’avoir le cul posé sur une époque qui ne fait que spécialiser ce qui a déjà été inventé dans les alentours du siècle des lumières, et que les nôtres, je veux parler des lumières, s’interposent via un écran, un bombardement de pixels où des images nous font la nique.

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RB: La photographie, la vidéo, la machine... La mise à bas de certains cloisonnements... Je pense à une note de Marcel Duchamp, citée récemment, écrite peu de temps avant sa mort, où il proclame une sorte d’esthétique du vivant. Quelque chose de très proche des utopistes du XVIIIe siècle qui annonçait la totale réussite de l’art comme étant la fin de l’artiste en tant qu’individu particulier, puisque la société dans son ensemble serait composée d’artistes. Ainsi toute communication serait art, il n’y aurait plus de commerce d’art puisque sans objets matériels ni attitudes accessoires, l’art serait dans la “non-parodie” du vrai. Echange d’un regard, d’une pensée ou du simple effleurement d’une peau. M. Duchamp écrivait :”Mon art serait de vivre ;chaque seconde, chaque respiration est une oeuvre qui n’est inscrite nulle part, qui n’est ni visuelle, ni cérébrale. C’est une sorte d’euphorie constante.” C’est peut-être la métaphore pour nous dire que nous sommes loin d’être parvenus à devenir soi-même un objet d’art, parce que notre vie n’est pas à la hauteur de cette exigence. En ce qui concerne l’autonomie machinique des oeuvres et indirectement la mise à distance du spectateur, toi, en tant qu’artiste, le mot d’ordre serait de s’éloigner de soi-même avec jubilation.

FL: Pour en arriver à cet état de grâce et de confort dans l’acte créateur, il faut sans doute avoir renoncé à pas mal de choses. L’action parfaitement anodine de la respiration, cette sorte d’enthousiasme parfait à faire oeuvre dans une totale indifférence de lui et des autres, soulève le problème d’une dépense improductive dans une société libérale.

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RB: Un autre pièce qui m’interroge est le rapprochement des bouches anonymes, dans la mesure où ça pourrait être les lèvres de grands dictateurs et de tyrans, toi, tu l’abordes sous l’angle des âges de la vie. Une grand-mère devant les lèvres d’un jeune homme ne sont pas matière courante, néanmoins il serait tout à la fois symbolique et ahurissant de voir des bouches de personnalités politiques comme çà face à face, comme des sortes de moulins à prières qui ne s’arrêteraient pas de s’embrasser. Une façon “fun” de mettre correctement la chose politique au point. On est tellement dans l’intouchable qu’en définitive tu fais en sorte que les choses se touchent par le truchement de l’image, méthode qui rappelle les amoureux qui embrassent l’effigie de leur fiancé ou qui font s’embrasser des effigies entre elles. C’est quand même “iconolâtre” en ce sens que le solitaire, son imagination se met en branle dans la mesure où il établit des scénari. Rester dans ce scénario des images entre elles, ce n’est que le “singement” du désir humain, de ce mime télévisuel ou photographique... Quand tu dis les images prennent la pose, c’est une réponse au sentiment d’évacuation du spectateur que nous avions au départ, il faut bien mettre en avant qu’il y a quelque chose comme un garde-fou de la liberté fondamentale humaine qui est là aujourd’hui... Il faut se méfier d’être évacué par une soi-disante philosophie globale unidimentionnelle qui nous refuserait quoi, l’individualité. C’est parce que nous sommes des individus qu’il faut mettre en avant ce respect envers l’autre, la plus sûre voie pour désamorcer toute tentation de totalitarisme. Nous devons être les indicateurs d’une pollution à venir.


©Frederique Lecomte

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