Une révolution : le premier être vivant chez qui l'acquis prime sur l'inné. Telle est en effet la définition de l'être humain dans l'histoire de la vie sur notre planète. Tel est aujourd'hui pour le biologiste ce qui différencie l'homme des animaux, même les plus évolués. Et récemment encore Jay Gould rappelait que chez l'Homo sapiens l'évolution n'est plus génétique mais est devenue celle des organisations sociales, en un mot l'Histoire.
Donc le petit humain qui nait n'est pas achevé. Cette simple particularité sur laquelle Jean-Pierre Changeux aime insister constitue une révolution dans l'histoire de la vie. Son système nerveux, son cerveau, et partiellement son corps continuent à se construire par l'interaction avec le monde matériel et social environnant dont il incorpore les lois, les valeurs, comme constituants de sa personne. Et il met les forces de la nature au service de son épanouissement, de sa domination, de sa survie en découvrant par l'action sur le milieu environnant les lois des forces naturelles qu'il utilise ensuite. C'est en ce sens qu'on a pu dire que la Science au sens le plus général est la plus spécifiquement humaine des démarches. Ce qu'Alexandre de Humboldt a résumé en une célèbre expression : << En la science et la connaissance résident la joie et la justification de l'humanité. >>
On voit tout la spirale ascendante qui en découle : l'action sur le monde, l'intégration de ses propriétés puis la définition à partir de cette réflexion de nouvelles actions, la création d'outils, afin de se réaliser, de s'épanouir, puis un niveau supérieur de réflexion. Nous avons là défini le travail. On conçoit aussi que l'humain est à la fois élément autonome et partie de l'univers ainsi que représentation partielle de l'univers lui-même.