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Cette introduction historique vaste mais sommaire nous était nécessaire pour préciser l'échelle où nous nous situons et apprécier si la révolution scientifique et technique contemporaine n'est qu'une simple modernisation industrielle comme il y en eut plusieurs depuis un siècle ou au contraire une étape fondamentalement nouvelle de l'aventure humaine.

Et nous allons voir tout de suite comment un système technique nouveau fondé sur l'informatique a induit un nouveau système productif.

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La rupture des tabous de la commande avait conduit au développement sous le nom de cybernétique ou d'automatique d'une science des servomécanismes analo-giques. Les ordinateurs, eux relevaient d'un domaine différent. Et l'alliance de l'automatique et de l'informatique qui nous paraît aujourd'hui naturelle fut fort difficile. Un gouffre épistémologique séparait ces deux domaines.

MITSUBISHI
1967-1971 L'automatisation des aciéries MITSUBISHI

Dans les années 60, en dehors de quelques futurologues, on ne pensait pas vraiment qu'introduire des ordinateurs dans les usines et les connecter aux machines c'était bien plus que changer de moteur ou d'outillage.

Les ordinateurs, chers et d'emploi malaisé étaient des systèmes de comptabilité, de gestion. Le temps réel était réservé aux militaires.

Mais on songea vite à relier à la gestion centrale de grandes entreprises les services décentralisés, puis les ateliers de production. Pour accroître l'efficacité globale, mieux adapter les activités au marché, à la demande, etc.

Et là se situe une opération-pilote qui a joué un rôle essentiel à la fois dans la politique industrielle du Japon et dans la situation mondiale du marché de l'acier. Ayant examiné de près cette réalisation, nous en donnerons les traits principaux.

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Avec l'aide du gouvernement japonais, il a été mené à bien de 1967 à 1971 l'automatisation totale d'un groupe sidérurgique japonais produisant 12 millions de tonnes d'acier par an. 200 ordinateurs en cascade depuis la gestion du groupe jusqu'à des minis (il n'y avait pas alors de micros) pilotant les laminoirs, les fours, le transport du minerai de fer... Et le tout fonctionne sur plusieurs centaines de kilomètres d'extension. 18 ingénieurs, 30 analystes, d'importantes équipes de programmeurs, de techniciens, et (nous en verrons l'importance) la participation active des ouvriers à qui on a donné une formation complémentaire.

Ce projet comportait (et c'était son intérêt technique) des conduites de processus en temps réel de natures très diverses (continu, discontinu, dangereux, à distance, etc.).

Les buts du projet étaient simplement d'améliorer la compétitivité de l'entreprise, réduire les temps morts et gaspillages. Les résultats ont dépassé l'attente. Et de plus on a obtenu des progrès non prévus au départ : productions plus complexes et diversifiées mieux adaptées à la demande, meilleure qualité et régularité des produits, amélioration de 180% du rendement global, et aussi disparition de l'essentiel des accidents de travail (dans les laminoirs et tréfileries en particulier) et transformation profonde de la relation des hommes au travail.


Les jeunes ont été enthousiasmés, les plus de 40 ans souvent réticents. Le personnel autrefois composé essentiellement d'ouvrier qualifiés a été réduit au quart, composé de techniciens et outilleurs très qualifiés, plus quelques pilotes et opérateurs de surveillance. Les autres agents n'ont pas été licenciés (ça ne se faisait pas au Japon) mais ont été affecté à d'autres emplois dans l'immense groupe MITSUBISHI.

Considérant indépendamment de tout régime économique ou social cette réalisation, il s'agit incontestablement d'un progrès dans l'amélioration de la condition humaine. Mais ce n'est évidemment pas cette raison qui a conduit l'industrie et le gouvernement japonais à la tenir pour exemplaire... Toutefois, à l'époque, dans les cercles dirigeants du Japon certains ont objecté que ce mode de travail risquait d'entraîner des risques de déstabilisation sociale et des mises en cause du système par une main d'oeuvre devenue trop instruite !

Certains économistes font de cette réalisation la cause initiale de la crise mondiale du marché de l'acier.

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©Gérard Verroust. Université Paris VIII.

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