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L’AMOUR

L’image du corps enchaîné est un archétype qui frappe fortement l’imagination, parce qu’il est symbolique d’un abandon total de l’autre à cette fusion dans l’unicité de l’amour.

Quand j’aime l’autre je voudrais être lui, être ce qu’il est ; me fondre en lui, le fondre en moi, pour ne plus former qu’un être unique, dans cette fusion androgyne, peut-être diabolique, du féminin et du masculin.

Le couple amoureux est la consécration évidente de ce besoin de complétude qui nous anime. C’est une voie difficile, car il faut pouvoir rencontrer cette harmonie exceptionnelle, qui permettra à cette entité mythique : “ Le Couple ”, d’exister et de perdurer.

Une autre façon plus facile, trop facile peut-être, d’exorciser ce désir d’être l’autre, de le posséder dans le sens le plus métaphysique, c’est d’en faire une image, une photo ou un film.

Ainsi, pour exorciser la souffrance de révéler ma propre anima, je fais des images de celles que j’aime .


L’IMAGE DU CORPS.

La caméra est un prolongement de l’esprit et de la main.
La caméra c’est la main de mon regard, les doigts de ma pupille.

L’évidence est de parler de souvenirs, mais une fois éliminée la photo ou la vidéo en tant que prothèses à la mémoire, il reste encore beaucoup de mystères derrière l’acte de filmer.

Ce qui importe le plus n’est pas ce qu’on a filmé, ce qu’on a enregistré sur la bande magnétique ou le film, mais l’acte de filmer lui-même.

Avec la caméra ou l’appareil photo, je m’empare du monde, je le prends, je le touche, je le comprends.

LA MORT

En filmant, on atténue cette souffrance que provoque en nous la perception de l’obsolescence du moment vécu.
Encore une fois, c’est la mort, la faucheuse, que nous essayons de tromper :
“ tiens regarde ! j’ai l’image, et cette image tu n’y peux rien, elle est là et restera à jamais comme cela, figée hors de ta portée ”.

Répétition mécanique d’une parcelle de cette éternité qui nous entraîne de toute façon dans son flux inexorable.

À la fois on essait de s’approprier l’autre dans un acte d’empathie amoureuse, et en même temps on veut le rendre immortel grâce à des procédés mécaniques, magiques, qui ne font qu’accentuer l’effet morbide par une dérisoire caricature de vie.



« Le double dans le miroir est paniquant et jubilatoire. Je me protège de la mort de l’autre et de la mienne propre par un dédoublement, mais du double, mort faite image, je ne suis pas sûr de pouvoir me détacher. Ce qui sert à lever l’angoisse devient angoissant. »

Régis Debray : Vie et mort de l’image. P36. Editions NRF, Gallimard. ISBN.2-07-072816-1.


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