Contrairement à ce que fait croire la profusion dune imagerie codifiée et stéréotypée dans les média, lérotisme en général est un sujet de travail extraordinaire avec encore des zones obscures à explorer.
Lérotisme nous oblige à définir nos limites à travers une éthique personnelle. Et, si lart est une exploration des limites, lérotisme ne peut quêtre un sujet dexploration artistique.
Il ny a rien de vraiment corrupteur dans mes films, certains de mes amis me reprochent même le manque de cruauté et de voyeurisme nécessaire pour obtenir cette efficacité propre aux oeuvres du divin marquis ou de Pauline de Réage. Pourtant, les directeurs de programme consultés pour diffuser Haime ou Spleen mont reproché ma complaisance à légard de lérotisme sadomasochiste, et utilisé ce prétexte pour ne pas diffuser Haime.
Pour moi, le sadomasochisme nest quune des composantes de lérotisme, et surtout une métaphore de la transgression de la mort à travers lamour.
Cest un jeu symbolique et essentiellement formel qui révèle des émotions secrètes et puissantes, enfouies au plus profond de notre inconscient, des archétypes.
Mon devoir dartiste est précisément dexplorer ces zones secrètes, ces limites quon nose pas franchir par peur de léducation, de la morale ou de soi-même. Mais il est clair que la matière que jextrais de cette exploration est essentiellement spirituelle.
Les codes formels et narratifs que jutilise, font clairement comprendre quon a affaire à une oeuvre de lesprit et non pas à un documentaire ou à de lactualité.
Je ne crois pas quil y ait une exemplarité de limaginaire. Des enfants aux adultes, nous faisons parfaitement la différence entre une fiction et un documentaire.
Les rapports humains quotidiens dans le travail, à la ville, à la maison sont chargés dune violence et dune perversité consciente et inconsciente infiniment plus aliénante que ce que peut véhiculer nimporte quelle oeuvre de fiction, en cela les médias ne sont que les miroirs de notre humanité et ce quils reflètent surtout cest notre propre cruauté.
La cruauté est une constante de toutes les sociétés humaines même dites civilisées. Croire quen dissimulant sa représentation on la fait disparaître, est lerreur dun esprit simple, ou le fait dun obscurantisme pervers.
Tous les censeurs un peu sérieux le savent, il ny a pour linstant aucune étude qui ait réussi à prouver que la violence cinématographique serait génératrice de violence urbaine.
Dailleurs si cétait le cas, ce serait dramatique pour toute notre civilisation dite de limage, car toute représentation de la violence humaine deviendrait une exemplarité négative.
Il faudrait, dans ce cas, donner raison aux Iconoclastes et interdire dHomère à Colombo, car notre civilisation prendrait finalement lidole pour le dieu. (Les iconoclastes craignaient quon idolâtre la statue et non pas le dieu quelle représente).
Mais dune certaine façon, notre civilisation a très largement dépassé ce premier stade de la vénération des idoles, car, nous ne cherchons même plus le dieu derrière limage.
Nous aimons limage pour limage. En particulier en érotisme, où limage possède une efficacité émotive propre, générée par elle-même, et distincte de lémotion suscitée par lacte ou le personnage réel auquel elle fait référence.