Retour à Eros (1990)
Leslie, JJ, et B
Après plusieurs «moi» à mabandonner aux jeux libertins de Paris nocturne, je me sens las de ces soirées au rituel stéréotypé sans sensualité, où les maris exhibent leur femme, où les masos exigent leur compte de coups, où le désir et le plaisir se noient dans un rituel sans amour. Seul intérêt de ces fêtes tristes, cest la rencontre de ceux quon reverra dans lintimité, ceux que je ressens complices, amoureux ?
Et puis parfois la réalité dérape. Elle pourrait plonger dans le rêve ou lhorreur: mercredi jétais dans la légende.
À travers la fenêtre du taxi, je savoure la caresse de ce soir de printemps. Paris, qui ne commence à vraiment vivre que la nuit, lorsquils sont tous couchés.
Cétait juste une soirée amicale, chez Françoise.
Derrière la baie vitrée de son appartement sur les quais, la tour Eiffel darde son érection lumineuse dans un ciel outremer foncé. Diane la londonienne est belle, je me plais à la désirer, jaime sa sensualité un peu ronde.
Françoise sactive sur son ordinateur connecté au réseau.
La musique cest du jazz et je savoure un pur malt, en essayant de deviner le sommet en V de ses cuisses à lorée de sa minijupe.
Ils sont arrivés. À limproviste. Avec eux, une bouffée dair rempli de la décadence joyeuse de Beverley Hills. Un maelström bruyant daccent américain, où se mêlent les sourires de stars et les rires provocants. Ils sont, ceux-là même, quon préfère ne voir quen image parce que leur présence est douloureuse, comme des dieux riches de tout, venus se corrompre dans lenceinte des simples mortels. Je me sens petit, exclu...
Diane est venue se réfugier près de moi... «-So strong people... » Me dit-elle. Parlant des deux très belles créatures et de lhomme qui ont surgi dans notre quiétude.
Elles sont belles. Tellement belles, que je les hais, pour ne pas souffrir de ce désir de les aimer qui menvahit.
Je suis amoureux à en mourir.
Leslie, brune, des yeux italiens sur un corps félin, panthère bodybuildée, au regard inquisiteur.
JJ, élégante, réservée, aristocratique. Incarnation parfaite de la jeune héritière dans un soap américain.
Et puis lui, lhomme, lassurance tranquille de celui autour de qui le monde tourne. Celui-là à qui appartient le rêve dans lequel nous venons dêtre projetés.
Je les hais dêtre aussi exceptionnels. Leslie me regarde, droit dans les yeux, JJ me sourit, et B me parle.
Jaimerais être elles ou lui à ce moment.
Cest un réalisateur connu. On parle un peu cinéma... Ils viennent voir Françoise comme on visite un monument, parcours obligatoire d'une Jet-Set libertine en quête de sensualité.
Il a désigné le cube en plastique du "minitel" et expliqué avec une voix forte et posée à JJ et Leslie l'utilisation que nous faisons de cet appareil électronique relié au réseau téléphonique qui permet aux français de se "connecter" à la fois dans le cyberspace et dans la réalité. Il a conclu ses explications par un :
"You Know, you don't write, you don't fuck. "
JJ me caresse lépaule, jai envie de la serrer dans mes bras, mais je nose pas
Jai peur de briser quelque chose...
Françoise projette le film que jai tourné dans son donjon avec Justine, Évelyne et François. Le silence se fait, leurs regards convergent vers lécran, fascinés par ces images des corps torturés de plaisir.
Il ladore, lui le maître, il aime mon film.
Leslie sest allongée sur le fauteuil.
Cuisses écartées, provocatrice...Je détourne mon regard du triangle noir de son body et je croise les deux braises de ses pupilles.
Elle me souffle: « I love your film, let go to the dungeon, let me try this... » En indiquant Justine suspendue par les pieds sur lécran.
Trois taxis, et on se retrouve dans le noir laqué de lantre de tous les excès.
Tout sest fait très vite, les images se succèdent sans chronologie, Leslie, en body noir, JJ nue, lui immense, un corps de nageur.
Leslie, allongée sur mon dos, enserrant mes bras. Je lutte dans une étreinte de plus en plus forte. C'est sa force contre la mienne. Son pubis appuyé contre mes reins, son corps qui se cambre, je résiste. Linstant séternise. Bras de fer en corps à corps, je succombe. Elle crie de victoire.
Images....
Lui, tenant dune main les poignets de JJ, allongée, nue, entre ses jambes. Il la caresse, en observant Leslie, qui étreint les longues cuisses de JJ dans ses bras. JJ est belle ainsi cambrée, écartelée, entre ses deux amants. Si belle, lorsquelle se contorsionne pour échapper à létreinte de ses bourreaux. La caresse se fait plus forte, JJ se tord, ses muscles se tendent à se rompre. Leslie ressemble à une sculpture de Michel Ange, figée comme un étau de chair emprisonnant pour léternité la proie du dragon. Il y a une complicité entre eux, une complicité du plaisir, de lamour... JJ sabandonne dans un dernier spasme mêlé de sanglots....
Tout se mêle, chaque instant était chargé de plaisir. Trop de scènes en simultané. Diane ligotée, jaurais voulu la toucher mais je tenais Leslie entre mes bras...Elisabeth suspendue, indifférente aux coups de fouets et Leslie, qui me dit «You are so sensual».
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