TRIBUNAL MILITAIRE
Le fait qu'on m'ait ramené à l'arrière signifiait que la milice coloniale ne voulait plus me fusiller, ils se lavaient les mains de mon cas, ils laissaient à la deuxième D.B. du général Leclerc le soin de statuer sur mon sort.
Les troupes de la deuxième division blindée étaient composées de français qui venaient de libérer la France du nazisme. Autrement dit, pour certains, il n'était pas question de torturer ni de fusiller quelqu'un sous prétexte qu'il défendait sa patrie.
C'était la période héroïque, la période généreuse de la 2me D.B. Française. C'étaient des hommes qui avaient fait la guerre contre les allemands, et qui avaient conservé un idéal extraordinaire, un idéal et une générosité formidable.
Le tribunal militaire était composé d'un lieutenant colonel, d'un commandant, d'un capitaine de la milice coloniale, et de l'enseigne de vaisseau Jean Leuleu.
Le capitaine de la milice coloniale voulait absolument me faire emprisonner pour cinq ans.
L'enseigne de vaisseau Jean Leuleu se leva et déclara:
«d'abord, je trouve abominable de fusiller un gosse de seize ans, ensuite, on va lui casser les reins en l'envoyant dans un camp en prison pendant cinq ans. C'est encore un gosse devant nous. En plus c'est le meilleur moyen d'en faire un ennemi de plus»
Le capitaine de la milice lui répondit:
«Attention! Il a reçu une formation politique! C'est comme si vous aviez un serpent dans votre manche. Un de ces quatre matins, il va se retourner et vous mordre, moi je me méfie de ces Viêts la»
Jean Leuleu répondit:
«De toutes façons, vous l'envoyez en prison pour cinq ans. Pourquoi je ne pourrais pas avoir ce garçon avec moi sous ma surveillance, et on va bien voir ce qu'il va donner.»
Ils ont cédé et finalement j'ai accompagné Jean Leuleu jusqu'à son poste.
Fin 46 début 47, il y avait déjà des implantations de postes, qui quadrillaient l'avancée des troupes Françaises vers le sud, pour éviter que les convois ne se fassent attaquer. J'étais sans arme, je portais le brassard vert des interprètes.
L'une des principales activités du poste consistait à ouvrir la route des convois.
Nous étions situés à vingt kilomètres du poste suivant, donc on avait dix kilomètres à ouvrir, c'est-à-dire qu'on marchait le long de la voie pour voir si elle n'était pas creusée, ou minée, jusqu'à rejoindre l'autre patrouille. Puis nous faisions demi-tour en surveillant de part et d'autre qu'il n'y avait pas de télécommande ou de tireurs embusqués.
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