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SAINT AUGUSTIN

Leuleu était profondément Chrétien, et le dimanche, nous descendions à la messe du village sans armes. Il y avait un curé extraordinaire qui, lorsqu'il nous voyait interpellait Leuleu.
«Est-ce que le chef de poste pourrait venir voir, tel ou tel personne qui est malade ou blessée»
Jean Leuleu prenait la trousse à pharmacie du poste, et on allait soigner les gens, des gens qui avaient souvent des plaies effroyables, je me demande d'ailleurs comment ils n'attrapaient pas le tétanos dans les rizières.
Quand on arrivait le dimanche au village, on était entourés d'une myriade d'enfants, qui nous demandaient des chewing-gum, ou des bonbons, et qui braillaient, autour de nous pendant qu'on soignait les gens, parfois avec l'aide du curé.
Cette nuée de gosses nous servait de sonnette d'alarme, s'il n'y en avait pas, nous étions méfiants. Les enfants jouaient un peu le rôle de tampon entre nous et le Viêt-Minh. Nous savions que tant qu'il y avait des enfants le Viêt-Minh n'interviendrait pas.
Mais un dimanche, alors que nous étions en train de soigner un vieil homme qui avait une horrible fracture ouverte, on voyait saillir l'os du gros orteil droit. Nous étions tellement accaparés que sommes pas rendu compte du départ des enfants et du curé.
Une voix nasillarde retentie:" Continuez Continuez!"
Il régnait un silence complet, plus d'enfants, plus de curé, et derrière nous, commandée par un jeune officier, une patrouille de douze Viêt-Minh surarmés, tous vêtus de noir, nous tenant en joue avec des mitraillettes, et des petits fusils d'assaut américains.
J'ai pensé que nous allions être fusillés.
Jean Leuleu très calme s'est adressé au jeune officier Viêt-Minh: «On soigne les gens depuis plusieurs mois, parce que c'est effrayant de voir dans quelle situation ils sont»

L'officier a ricané:
«oui, vous trouvez que ça laisse à désirer?»
Il aurait fallu y penser il y a quatre-vingt ans avant que vous ne veniez ici, c'est vous qui les avez mis dans cet état


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