Réalisé en 1988, SPLEEN est à lorigine du projet
Haime qui verra son aboutissement en 1992.
Spleen est né dune nuit de déprime à Paris. Aucun de mes projets naboutissait. Jétais sans revenus, je me débattais pour surnager dans les injustices de ladministration. Je désespérais de pouvoir produire une nouvelle création et jenvisageais déjà de tout abandonner.
Au plus profond du désespoir et de la mélancolie je me suis replongé dans les fleurs du mal histoire de compenser la médiocrité de mon quotidien par la démesure littéraire de Baudelaire.
En relisant Spleen jai été impressionné par la modernité des émotions générées par le poème. Javais limpression dêtre ce roi dun pays pluvieux, riche mais impuissant jeune et pourtant très vieux.
La grotesque ballade du bouffon favori me faisait penser aux présentateurs de nos chaînes de télé, qui chaque jour commentent la misère et le désespoir des peuples mourant au pied de notre balcon.
Je me suis dit quil serait certainement troublant de mettre sur ce poème une imagerie contemporaine. La rencontre entre une poésie du siècle dernier et le fantastique de la science-fiction amènerait sans doute le spectateur à faire ce même parallèle entre le contenu du poème et le monde dans lequel nous vivons.
Javais de très bonnes relations avec léquipe de production de la Maison de la culture de Saint-Étienne qui est une des trop rares institutions culturelle française équipée dun studio vidéo performant.
Lorsque je leur ai proposé mon idée, là où un autre producteur aurait exigé un story-board détaillé, ou une description du projet, les directeurs de programme mont fait confiance dun bout à lautre et mont laissé lentière autonomie de conception et de mise en oeuvre.
Ce qui ma permis de retrouver cette sensation de liberté de création si bénéfique que javais rencontré aux Arts-Décos, ou à Ex nihilo pendant mes premières années dartiste vidéo.
Volontairement je nai pas voulu illustrer le poème, en montrant les images de guerres, de famines, de misère, de jeux TV, ou de Sida que le poème mévoquait. Jai préféré juxtaposer un gothique futuriste au romantisme désespéré des mots. Un nouveau décor pour un roi, un bouffon, un savant dun autre siècle mais qui nappartiendraient quà limaginaire du spectateur.
Comme toujours la production sest faite à moitié de bricolage et de haute technicité.
Jai amené ma colle, mes peintures, mes caisses de maquettes et de décors. Nous avons fabriqué un travelling avec un moteur de mécano. Spleen a vraiment été fait avec des bouts de ficelle, au propre et au figuré.
De retour à Paris, le compositeur et accordéoniste Philippe Servain ma fait la musique en même temps quil préparait celle de la Belle Histoire avec Lelouch et le futur spectacle de Philippe Léotard.
Canal Plus a diffusé Spleen, mais tard en crypté, car lérotisme sadomasochiste évoqué par mes images aurait dérangé ce fameux Grand public.
Les réticences des diffuseurs culturels comme télévisuels à diffuser Spleen, mont conforté, par réaction, dans le désir dexprimer avec plus de conviction encore mon imaginaire érotique.
En 1991, Dominique Rouvier le directeur de production de la MCC, conforté par la qualité de Spleen, et connaissant ma passion pour le sujet, me propose de réaliser une émission consacrée à lérotisme.
Non pas une émission érotique, mais une émission qui parle de lérotisme.
Cest ainsi que nous avons commencé et abouti la première version de 27 minutes de HAIME.
Haime étant un jeu de mot entre les verbes aimer et haïr.
Ce film a nécessité une année entière de travail à plein temps pour moi et pour léquipe de la MCC.
Il a été entièrement réalisé en numérique, et, comme Spleen, tourné en incrustation dans des maquettes, mais cette fois-ci nous avions un vrai travelling au lieu de mon chariot de vélo tracté par un moteur de meccano.
En 1996, las dattendre une décision des chaînes de télévision pour produire le magazine, jai décidé de remonter le Pilote de 27 minutes en une oeuvre de vidéo création.
Le remontage sest fait, un soir de Juin 96 au studio RIFF avec Pierre Ménétrier du groupe V-FORM.