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MASSACRE

Lorsque les troupes françaises sont arrivées dans Saigon, j'étais déjà parti dans cette île aux environs de Mytho.
Nous étions très naïfs à l'époque. Les instructeurs nous racontaient que pour contrecarrer les attaques des navires français, la nuit, des plongeurs de combat Viêt-Minh allaient scier les bateaux. C'était le genre de choses inouïes qu'on nous racontait: «Les plongeurs allaient scier les bateaux des militaires Français pour les faire couler!»
Tout le monde y croyait parce que pour nous, les bateaux, à part les cargos, étaient en bois. C'étaient des pirogues ou des jonques, nous n'envisagions pas qu'ils puissent être en fer ou en acier. Nous n'avions jamais vu les chalands de débarquement des alliés: des navires de métal à fond plat qui arrivent pile sur la cible.

Nous étions sur une île, et ça aussi c'était naïf. Nous pensions que sur une île, nous serions protégés, c'était idiot. Une île ça s'encercle, et on se retrouve coincés comme des rats. C'est ce qui arriva.

On m'avait donné un petit pistolet qu'on appelle un 6/35.
C'était le pistolet que les femmes mettaient dans leur sac à main pour se défendre. On m'avait donné cette arme, pour marquer mon statut de cadre.
C'étaient des armes récupérées à la gendarmerie, certains d'entre nous arboraient ostensiblement le grand étui avec rabat des officiers français de 14/18.

À seize ans, nous nous croyions tous des héros, de ceux qui ne meurent jamais.
Nous étions tous fiers d'avoir chacun un revolver, c'est la fonction mâle. Cela nous donnait une illusion de puissance. Avec chaque balle, tu peux tuer quelqu'un, donc avec six balles tu peux tuer six hommes! Voilà le raisonnement qu'on se tenait! Comme des cow-boys. Avec six coups, tu tues six types.

Un jour, à six heures du matin, avons été réveillés par une voix qui hurlait dans un haut-parleur:
“ Vous êtes encerclés, on vous donne dix minutes pour vous désarmer et vous regrouper. On vous surveille.”

Les responsables, avec leurs jumelles, ont constaté que l'île était encerclée par des chalands de débarquement bourrés à craquer de soldats et de commandos français.
Notre instructeur donna l'ordre de nous disperser:
«Je dissous le groupe, vous partez comme vous pouvez chacun de votre côté.»

Certains ont tenté de s'enfuir à la nage, mais c'était pratiquement impossible, parce que les chalands se trouvaient à peine à cinquante mètres du rivage, et les soldats tiraient sur tout ce qui bougeait.
J'ai commencé à paniquer. Nous étions sept.
On a réussit à contourner l'île, et on a plongé dans un petit bras d'eau pour rejoindre la terre ferme et s'enfuir dans la jungle.
Nous étions habillés du costume vietnamien, une sorte de pyjama noir, c'était notre uniforme. Comme je n'avais pas d'étui, j'avais glissé le 6/35 entre l'élastique de mon pantalon et mon ventre.
Lorsque nous avons atteint la plage, des soldats français nous tenaient en joue.
«Ne bougez pas et mettez les mains sur la tête.»

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