YOYAGES IMMOBILES
Nous ne sommes que des pièces sans recours sur léchiquier des nuits et des jours...
Omar Khayyâm
Jai passé mon enfance perdu dans les limbes de mon imagination.
Je restais de longs moments assis à rêver sur les marches de lécole. Jappréhendais le moment douloureux où je devais quitter le labyrinthe de mes rêves pour affronter le monde des autres.
Afin de retarder cette échéance, javais appris à faire abstraction le plus longtemps possible de mon environnement. Abstraction nest pas le terme exact, en fait, je transformais le monde, je transformais en permanence la réalité qui mentourait pour la faire correspondre à lunivers fantasmagorique qui mhabitait.
Peu de choses me satisfaisaient, dans ce que je pouvais voir autour de moi. La ville de mon enfance avait été entièrement détruite par la guerre et reconstruite par cette génération darchitectes et de promoteurs qui, justifiant leur médiocrité par le Bauhaus ou Le Corbusier, contribuèrent à créer cette inhumanité aride dans laquelle nous acceptons de survivre.
Ce fut le temps des voyages immobiles, où je regardais le ciel, en rêvant dune étoile lointaine qui my attendait.
Je marchais sous les réverbères espérant apercevoir la silhouette de la nef dissimulée derrière les nuages.
Je mimaginais voyageur perdu, tombé du firmament, et, dans les dessins de la rouille, je lisais les messages venus des empires stellaires.
Au plus profond de ma mémoire est gravée cette image dune fille qui maccompagne dans ma quête et qui me sourit à contre-jour sur les étoiles.
Une jeune femme un peu garçonne, qui maurait ressemblé, et qui aurait su conduire le vaisseau.
Et puis jai vu lenfer, larchange maudit qui ma corrompu.